Le Manoir est construit sur un terrain qui fut concédé le 27 octobre 1722 par Louis Lévrard à Joseph Charais, demeurant à Ste-Anne-de-la-Pérade [1]. Cette terre mesure alors 4 arpents de largeur par 40 de profondeur, au lieu nommé « le Cap Saint-Claude ».
Le même jour, Joseph Charais, pour des raisons inconnues, revend sa concession à Jean Prime dit Lavanture, habitant à Batiscan [2]. Jean Prime y élit sa résidence et y construit dans les deux années suivantes, une cabane d’écorces [3].
Le 23 janvier 1725, il vend sa terre au garçon mineur de François Rivard, sieur Lacoursière, prénommé Joseph, demeurant à Batiscan. Une clause engage Joseph Rivard Lacoursière à nourrir, loger et entretenir Jean Prime [4]. Établira-t-il sa résidence à St-Pierre? Il est toujours propriétaire de cette terre en 1745 [5].
Après 1745, Joseph Rivard donne ou vend sa terre et l’on sait qu’entre 1745 et 1760, François Mailhot en est le propriétaire. La veuve de ce dernier, Marie- Charlotte Gouin cède la terre à son fils Joseph. Entre 1730 et 1762, Joseph et son épouse Geneviève Brisson sont présents à Saint-Pierre-les-Becquets [6].
Au début de 1764, le couple Mailhot vend la terre à Pierre Roberge et Brigitte Auger, son épouse [7]. On sait ainsi qu’en 1764, il y a une maison, une grange, une étable et autres bâtiments de nature non précisée.
L’épouse de Pierre Roberge, Brigitte Auger, décède en 1791. Dans l’inventaire de ses biens, aucune description de manoir tel qu’on le connaît aujourd’hui [8]. Un bâtiment aussi imposant que le manoir aurait certainement justifié une description dans le contrat notarié. Pierre Roberge, personnalité à Saint-Pierre-les-Becquets, avait eu entre autre le titre de capitaine des milices.
Après le décès de sa femme, Pierre Roberge, père, fait une donation entre vifs à son fils Pierre Roberge, avec engagement de le soigner et de l’héberger jusqu’à sa mort [9]. Il se réserve la grande chambre de la maison. Pierre fils et son épouse Marie Herbec habitent le reste de la maison. Nous n’avons aucune autre information.
Pierre Roberge fils vend sa terre à François Baby [10]; aucune maison ne fait partie de la transaction. La maison de pierre de Pierre Roberge fils est plutôt vendue avec un terrain à Jacques-Raymond Baby. Pierre Roberge se réserve la moitié du sud-ouest de la maison jusqu’en juillet [11]. Le 7 avril 1817, Charles-François-Xavier Baby, fils de l’honorable François Baby et Marie Tarieu de la Naudière se porte en effet acquéreur de :
« …une terre de 3 arpents de front ou environ sur 40 arpents de profondeur ou environ et située en la dite paroisse de Saint-Pierre-les-Becquets, prenant en front par devant au fleuve St-Laurent et par derrière se terminant aux traits quarrés qui terminent la profondeur des terres au premier rang (…) joignant d’un côté au Sud-ouest à la terre de l’église ou fabrique de Saint-Pierre-les-Becquets et l’autre côté au Nord-est à Joseph Dionne. Ensemble la grange et l’étable dessus construits, circonstances et dépendances »[12].
On peut en déduire que la maison actuelle en pierres de 3 étages est postérieure à 1817 parce qu’aucune maison n’est érigée sur la terre acquise par François Baby.
François Baby, âgé d’environ 20 ans, demeure à Québec. En décembre 1815, lui et son frère Jacques-Raymond signent une quarantaine de contrats de coupe de bois de chauffage avec les cultivateurs de Saint-Pierre-les-Becquets [13]. Outre la terre de Saint-Pierre-les-Becquets, il achète le fief Bruyère à Bécancourt et les 2/3 de la seigneurie de Nicolet. Suite à une situation financière difficile, il est saisi de ses biens en 1822. Pour la première fois, dans un avis publié dans la Gazette de Québec [14], on mentionne une maison en pierre de 3 étages. Sur le même terrain, il y a aussi une grange, une étable, un hangar et autres dépendances [15]. On peut en conclure qu’entre 1817 et 1822 fut construit l’actuel Manoir Baby-Méthot, par François Baby fils.
Suite à la saisie, la terre et la maison sont cédées à un pâtissier de Québec, Baptiste Martinuccio [16]. Marie-Anna Tarieu de la Naudière, la mère de Charles-François-Xavier Baby et coseigneur, intervient quelques jours après la vente de la terre de son fils; madame Baby entreprend des démarches pour obtenir l’annulation de la vente, par un retrait seigneurial. Ce droit seigneurial permet de récupérer un lot vendu, moyennant la remise du prix de vente. Comme la seigneurie est partagée entre plusieurs propriétaires, madame Baby demande une procuration à chacun d’eux. (…)
Le 3 mai 1822, Martinuccio, débouté par un jugement de la Cour du Banc du Roi de Trois-Rivières autorisant le retrait, cède la terre à madame Baby moyennant compensation [17].
Le même jour, Marie-Anne-Tarieu de la Naudière, veuve de l’Honorable François Baby, accorde par bail la terre de Saint-Pierre-les-Becquets ainsi que la maison de pierre de 3 étages à son fils François. Le principal coseigneur est Antoine- Ovide de la Naudière [18]. Bien que le manoir soit occupé par Charles-François-Xavier Baby, il demeure la propriété de sa mère. En 1829, dans son testament, on peut lire « …la dite Dame testaire donne et lègue à son fils François Baby, écuier de la paroisse de Saint-Pierre-les-Becquets, à titre d’alimens, la jouissance sa vie durant de sa grande terre située en la dite paroisse de Saint-Pierre-les-Becquets, au premier rang des concessions de la paroisse, consistant en une terre sise et située en la dite paroisse et seigneurie de Saint-Pierre-les-Becquets, contenant 3 arpents ou environ de front sur 40 arpents de profondeur, bornée par devant au fleuve St-Laurent, et par derrière, au bout de la dite profondeur, joignant du côté Nord-est partie à Joseph Dionne et partie à Jacques Baby, écuier et encore en partie aux représentants de feu Augustin Dubuc et du côté Sud-est, une terre appartenant à la fabrique de la paroisse de Saint-Pierre-les-Becquets, avec maison en pierre de 3 étages, grange, étable, hangar et autres circonstances et dépendances, (…) de laquelle terre est à distraire un certain lopin de terre appartenant et en la possession de Joseph Chaillé ou ses représentants, lequel est enclavé dans la dite terre et contient 85 pieds de front sur 80 pieds dans la ligne Nord-est et 60 pieds dans la ligne Sud-est de profondeur avec le bâtiment [19].
Charles-François-Xavier Baby habite-t-il le manoir? En 1825, il est inscrit au recensement de Saint-Pierre-les-Becquets. Et en 1830, lorsqu’il procède à l’acte de foi et hommage aux noms des seigneurs de la seigneurie, il est capitaine de milice de Saint-Pierre-les-Becquets.
Au printemps 1830, Charles-François-Xavier Baby quitte St-Pierre pour s’établir dans le canton de Sherrington où sa mère lui donne la charge de l’administration de ses terres [20]. Jusqu’en 1837, ses activités l’amènent à vivre principalement dans la région de Montréal. De 1837 à 1844, il est en exil à Albany aux U.S.A. avec sa femme Marie-Clothilde Pinsonneault et ses deux enfants, Michel-Guillaume et Marie-Clothilde Alice.
Madame Baby aurait mis sur pied une ferme sur la terre de Saint-Pierre-les-Becquets durant les années d’exil de son fils [21]. De retour d’exil, Charles-François-Xavier Baby reprend le commerce du bois, devient promoteur immobilier, et se lance dans le domaine maritime. Il habite de façon sporadique à St-Pierre. Sa résidence officielle est dans la paroisse Notre-Dame de Québec, rue St-Louis.
Quant à la ferme du manoir, elle est tenue par un métayer, Charles Martel, en vertu d’un bail [22]. En 1851, on produit : 400 minots de blé, 800 d’avoine, 3000 bottes de foins, sans compter 9 chevaux, 22 moutons, 17 vaches qui produisent 2000 livres de beurre [23].
En 1844, sur la terre du manoir, outre la maison de pierre de 3 étages, il y a un atelier, remise, laiterie, porcherie, maison de ferme et de l’autre côté du chemin public, une petite maison, une grange-étable de 100 pi. par 30 et une étable de 30 par 40 pi.
Dix ans plus tard, Charles-François-Xavier Baby achète une police d’assurances pour ses biens à St-Pierre; police d’assurance Équitable de Londres no : 6397- 28 décembre 1853 [24].
Charles-François-Xavier Baby décède le 6 août 1864. Le 28 novembre 1864, Michel-Guillaume (William) Baby et Marie-Clothilde-Alice Baby, héritiers de leur grand-mère, cèdent la terre, le manoir et autres bâtisses à François-Xavier-Alfred-Ovide Méthot, cultivateur à Saint-Pierre [25]; celui-ci épouse Marie-Clara Méthot, fille du notaire Antoine-Prosper Méthot; ce dernier est un homme politique de Saint-Pierre-les-Becquets. Entre 1844 et 1847, il est député à la Chambre de l’Assemblée. Quant à François-Xavier, il sera maire de la municipalité de paroisse de 1868 à 1872. Puis il sera élu à l’assemblée législative du Québec en 1871. De 1877 à 1884, il sera député du comté de Nicolet au parlement fédéral. Les 24 années suivantes, jusqu’à son décès en 1908, il sera conseiller législatif.
En 1883, décède son épouse Marie-Clara Méthot. En 1884, il épouse en secondes noces Marie-Clara-Louise-Ernestine Paradis. Il ne laisse aucune descendance. A son décès en 1908, Marie-Clara Paradis est sa légataire universelle.
François-Xavier était le frère de Vital Méthot qui, en 1865, acquiert la maison seigneuriale de St-Anne-de-la-Pérade. Pour distinguer les deux manoirs, François-Xavier change le nom du manoir de la Pérade, que lui avait attribué François Baby fils, pour Manoir les Becquets. L’Honorable F.X.O. Méthot cède à titre de bail à rente foncière et annuelle des emplacements sur la portion de terre appelée « Domaine les Becquets ».
Entre 1902 et 1906, menuisiers, bouchers, cordonniers et cultivateurs se portent acquéreurs de terrains situés au cœur du village. Également, une importante superficie de terrain est cédée aux Sœurs de l’Assomption de Nicolet qui y érigent un couvent.
Marie-Clara-Louise-Ernestine Paradis conservera la propriété du manoir 28 ans après le décès de son époux et y demeurera sa vie durant.
Le 26 novembre 1936, madame Paradis-Méthot cède par donation entre vifs l’immeuble, meubles à Joseph-Olivier Archambault, agriculteur, résident au village, à condition que le donataire s’oblige à garder chez lui la donatrice [26]. J.- Olivier Archambault prend la dame Paradis chez lui et dispose du Manoir qui aurait servi durant 2-3 saisons d’auberge sous le nom de « Manoir sous les érables ». Devant le peu de succès de l’entreprise, M Archambault vend, le 19 octobre 1939 le manoir et la terre à James Stuart Douglas de Montréal qui en fait une résidence d’été [27].
En 1949, Sylvio Pepin, entrepreneur, achète le manoir [28]. La famille y réside à l’année et aménage, dans l’ajout sud-ouest, un bureau de poste.
Le 2 février 1960, Robert Poitras de Laval-des-Rapides s’en porte acquéreur [29]. Suite au décès de son mari, c’est son épouse Agathe qui hérite du Manoir; actuellement (2019), c’est Gilles Marchand et Denise Gouin qui en sont les heureux propriétaires; ils ont entrepris une restauration dans les règles de l’art qui redonne vie à ce joyau de notre patrimoine
Réf : Manoir Baby Méthot- Rapport d’études
Le groupe référence Inc. juil.-06 1987
[1] Notaire Trottain, 27 octobre 1722
[2] Notaire Trottain, octobre 1722
[3] Aveu et dénombrement 1724
[4] Notaire Daniel Normandin, 23 janvier 1725
[5] Registre des Grands Voyers: 10-14 octobre 1745
[6] Recensement du gouvernement de Trois-Rivières, A. Roy, 1747 :33
[7] Notaire Nicolas Duclos, 8 janvier 1764
[8] Notaire C. Lévrard, 30 mai 1791
[9] Notaire Joseph Cadet, 9 août 1798
[10] Notaire Augustin Trudel, 7 avril 1817
[11] Notaire Augustin Trudel, 8 avril 1817
[12] Notaire Augustin Trudel, 7 avril 1817.
[13] Crochetière 1986 :70
[14] 7 Avril 1822
[15] Gazette de Québec, 7 avril 1822
[16] Notaire Jean Bélanger, 26 avril 1822
[17] Crochetière 1985 :75
[18] Crochetière 1986 :75
[19] Notaire Louis Panet, 11 mai 1829
[20] Crochetière 1986 :78
[21] Crochetière 1986 :89
[22] Crochetière 1986 :89
[23] Crochetière 1986 :90
[24] Fonds famille Baby P0336-4 /3 A 00-140 3 A, Archives Nationales du Québec
[25] Notaire Joseph Petitclerc, 28 novembre 1864
[26] Notaire Charles Edouard Villeneuve, bureau d’enregistrement Bécancour acte no : 60478.
[27] Bécancour acte : 62226
[28] Bécancour acte : 68692
[29] Bécancour acte : 75945
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